lundi 20 septembre 2010

Désordres




















Jolies bêtises de banlieue
Au lieu de faire mes adieux
Je sonne aux portes de Paris
D'Orléans, de Vanves ou d'Evry

Mes désordres sont un désir
Envie d'exil et de partir
Écœurée d'ici, mais ailleurs
Les baisers seront-ils meilleurs ?

Quand je mets entre parenthèses
Ma passion au parfum de fraise
L'esquivant à grand coups de reins
Je cours au devant les chagrins

Car entre la bouche et la joue,
Entre le brutal et le doux
Entre le sublime et le vil
A quel jeu mon moi joue-t-il ?



jeudi 16 septembre 2010

Un tramway nommé chagrin

Hier dans le tram.
Elle entre, une ou deux stations après moi, belle métisse, peut être du sang indien, peut être mauricienne, vingt ans. J'ai vu tout de suite une larme, une seule sur sa joue gauche, restée en suspens. Pourquoi pleure-t-elle, cette question se met à trotter dans ma tête. Pour l'amour sans doute, rien ne fait pleurer ainsi, sauf l'amour. Elle vient de se faire larguer peut-être ? Je ne sais pas quel est le type qui a commis cette erreur, car elle est jolie et sensible, fragile, brisée.
Elle s'assoit et mets des lunettes de soleil, de grandes lunette à la mode, pour cacher ses larmes, mais moi je les vois, elles coulent, franchissent le bord inférieur des lunettes et là elle les attrape avec son mouchoir. Sa bouche aussi me raconte son chagrin : imperceptible frémissement des lèvres, parfois un rictus, une grimace de douleur. Les mains chiffonnent le kleenex, tripotent le téléphone, sinistre messager par lequel la nouvelle lui est sans doute arrivée. Je voudrais faire quelque chose pour elle, mais quoi ? Elle est seule dans son malheur, toute seule. La foule se presse dans ce tram de fin de journée, je suis sans doute la seule a avoir vu ce chagrin. Debout près d'elle je lui envoie tout le réconfort qu'on peut envoyer mentalement à une inconnue. Il m'est déjà arrivé moi aussi de pleurer ainsi seule, d'avaler mon malheur, de mouiller la foule de mes larmes. Elle lève les yeux vers moi, j'articule "ça va ?" sans un mot. Elle fait oui de la tête, mais bien sûr ça ne va pas du tout.
Elle sort à Puteaux, moi je reste.

mercredi 15 septembre 2010

Tout à Branly


Musée du Quai Branly. J'accède aux collections permanentes par une longue rampe tortueuse et inclinée. Et là, c'est l'émerveillement : dans une pénombre reposante sont exposés des milliers d'objets, j'ai noté sur mon carnet ce que j'ai vu, juste le nom des choses, je me suis dit "je vais faire un inventaire à la Prévert de tout ce merveilleux bric-à-brac". Impossible de décrire par le menu, il faut voir, ça grouille de belles choses, de trucs étranges, de petits bijoux de bizarreries, de gros blocs de beauté. Tout cela est le fruit du génie de l'homme, ça vous réconcilie avec l'humanité, tant de patience, de talent, d'ingéniosité, d'art.
Ça commence par des masques qui vous regardent avec leurs yeux globuleux, puis des tambours sculptés dans des troncs d'arbres, énormes, j'aurais bien aimé savoir le son qu'ils rendent, puis des pirogues, des massues, des casse-têtes. Puis des effigies, encore d'autres masques, des idoles, des statuettes. Ici des peignes, des bijoux somptueux, des colliers de perles, des broderies de coquillages, des éventails de vannerie, des textiles incrustés, des tissus peints, des appuie-tête, des emblèmes, des gongs rituels. Des coiffes cérémonielles, des costumes de danse en paille pour rites que j'aurais rêvé voir. Plus loin, des sagaies, des sarongs, des tikis, des serpents bénéfiques, des gris-gris nacrés, des crânes d'ancêtres. Et aussi des sabres, des saris, des broches, des stèles, des ornements de plumes, de peau, de fibre, d'écorce, d'or et de terre. D'épais tapis, des poteaux aux esprits, des totems, des peintures aborigènes constellées de petits points, des coupe-coupe, des plats de sacrifice, des coupes.