jeudi 16 septembre 2010

Un tramway nommé chagrin

Hier dans le tram.
Elle entre, une ou deux stations après moi, belle métisse, peut être du sang indien, peut être mauricienne, vingt ans. J'ai vu tout de suite une larme, une seule sur sa joue gauche, restée en suspens. Pourquoi pleure-t-elle, cette question se met à trotter dans ma tête. Pour l'amour sans doute, rien ne fait pleurer ainsi, sauf l'amour. Elle vient de se faire larguer peut-être ? Je ne sais pas quel est le type qui a commis cette erreur, car elle est jolie et sensible, fragile, brisée.
Elle s'assoit et mets des lunettes de soleil, de grandes lunette à la mode, pour cacher ses larmes, mais moi je les vois, elles coulent, franchissent le bord inférieur des lunettes et là elle les attrape avec son mouchoir. Sa bouche aussi me raconte son chagrin : imperceptible frémissement des lèvres, parfois un rictus, une grimace de douleur. Les mains chiffonnent le kleenex, tripotent le téléphone, sinistre messager par lequel la nouvelle lui est sans doute arrivée. Je voudrais faire quelque chose pour elle, mais quoi ? Elle est seule dans son malheur, toute seule. La foule se presse dans ce tram de fin de journée, je suis sans doute la seule a avoir vu ce chagrin. Debout près d'elle je lui envoie tout le réconfort qu'on peut envoyer mentalement à une inconnue. Il m'est déjà arrivé moi aussi de pleurer ainsi seule, d'avaler mon malheur, de mouiller la foule de mes larmes. Elle lève les yeux vers moi, j'articule "ça va ?" sans un mot. Elle fait oui de la tête, mais bien sûr ça ne va pas du tout.
Elle sort à Puteaux, moi je reste.

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