dimanche 8 juillet 2012

Le géant

Elle était un peu effrayée, même anxieuse. Tant qu’il s’agissait de s’échanger des sms et des photos ça allait, mais la réalité était tout autre : elle avait imaginé plusieurs scenarii catastrophe, tous assez gore. Elle s’était souvenue de Guy Georges le tueur du 18eme, une belle gueule, lui aussi. En fait la réalité était plus pacifique et plus excitante. Elle avait l’imagination vive et construisait ses histoires juste pour se faire des frissons et par superstition, pour conjurer le sort.
Elle l’avait connu sur un site de rencontres, il lui avait paru singulièrement différent. La photo représentait un colosse noir auréolé de tresses ou de fines locks, belle bête, belle tête à l’expression boudeuse et peu avenante. Ses mèches nouées derrière la tête formaient une couronne noire et rêche, les serpents de Méduse ou la couronne d’épines d’un christ noir, version David La Chapelle. Le visage, outre son expression sombre, était sensuel et volontaire. Ses yeux très noirs et opaques.
Rapidement leur dialogue s’était précisé, pas de baratin inutile et très vite l’échange des photos avait commencé. Elle découvrait sur sa boite mail des rafales d’images de son sexe en érection, parfois aussi des photos de son torse, de son dos, quelques portraits toujours boudeurs. Il avait un corps très musclé et une stature impressionnante. Elle aimait surtout son visage.
Elle répondait alors à ces cadeaux par des photos d’elle, de plus en plus crues. L’homme avait, au fur et à mesure, demandé des détails, des cadrages de plus en plus précis. Les pieds semblaient avoir pour lui une forte valeur érotique. Elle essayait toujours de lui donner satisfaction même si pour les pieds elle était réticente. Elle n’avait jamais aimé ses pieds, longs, étroits, étranges. Le pied grec dit-on pour ces orteils qui ressemblent à des doigts et dont le deuxième dépasse les autres. Pour dissimuler leur longueur un peu ridicule, dès l’adolescence elle ne portait que des chaussures à talons. Ses pieds souffraient mais c’était sa vengeance.
Lui avait voulu des photos de ses pieds, nus, sans ses belles chaussures, sans ses jolis bas qui plaisaient tant aux autres hommes. Elle avait obtempéré. Mais il en avait ensuite réclamé d’autres sans le vernis rouge. Elle s’était soumise et avait enlevé le vernis. Elle faisait des photos deux ou trois fois par semaine, les envoyait sans prévenir puis attendait la réponse. Elle arrivait souvent dans l’heure, il répondait juste par un smiley heureux. Quelques remarques crues. Puis disait : encore ! Mais souvent elle vaquait déjà à ses occupations en ville. Alors elle répondait que c’était tout et il lui envoyait un smiley mécontent. Puis plus de nouvelles. Ou bien parfois il envoyait une ou deux photos de son érection, visiblement prises sur son lieu de travail.
Ce rituel avait duré trois mois pendant lesquels ils ne s’étaient jamais appelés directement. Ils n’avaient pas échangé beaucoup de mots et quand elle avait commencé à l’interroger sur son fétichisme des pieds, il avait juste répondu : ne pose pas de questions. Donc elle avait obéi et ne s’était fait de lui qu’une image incomplète, très physique, très sexuelle, un peu effrayante. Elle aimait cette incertitude, ce mystère. La seule chose qu’elle savait c’est que quand ils se verraient ce serait fort. Elle avait une fois repoussé une invitation chez lui au début, sous le prétexte que c’était en lointaine banlieue, une autre fois elle était décidée mais lui partait en province, ce mardi était donc leur unique chance de se rencontrer avant la coupure de l’été.
A son arrivée, un peu en retard, il l’accueillit avec un beau sourire. Il était très grand, presque deux mètres, très athlétique. Il se déplaçait en chaloupant comme un bateau. Il ne ressemblait déjà plus à ses photos. Sa chevelure était attachée, il était barbu. Il souriait et entre ses lèvres, ses dents très régulières rayonnaient. Il avait une voix grave et lente qui montait de sa large poitrine. Des tatouages sur le bras. Elle accepta un verre de rhum qui était très fort, ainsi qu’une bouffée de pétard. Il lui dit d’ôter ses chaussures et ses bas, ce qu’elle fit avec plaisir.
Lorsqu’elle fut assise sur le canapé, il prit ses jambes sur ses genoux et regarda ses pieds, elle sentit alors un peu mal à l’aise. Mais bientôt il délaissa ses pieds pour sa bouche.
Dans sa chambre il se dévêtit complètement, il lui ôta à elle tous ses vêtements. Elle demanda à ce qu’il défasse ses cheveux, qui lui tombèrent alors jusqu’aux épaules. Son corps était d’une belle teinte brune un peu cuivrée. Il demanda une fellation.
Il régnait dans cette chambre une atmosphère cérémonielle. Il semblait avoir une idée précise de ce qu’il allait exiger d’elle et dans quelles postures il allait la pénétrer. Il procédait lentement, parlait peu, semblait souvent au bord de l’orgasme. Pourtant il allait la prendre une heure durant sans répit.
Elle se sentait confiante, se laissait manipuler, soucieuse de répondre à chacune de ses demandes. Après la fellation il l’avait couchée sur le dos, la tête pendant hors du lit. Il avait pris ses pieds et les suçait en lui tenant les jambes largement écartées. Puis, après l’avoir longuement regardée se caresser les lèvres, il l’avait pénétrée lentement en l’écrasant maintenant de tout son poids. Ses mèches rugueuses environnaient son visage comme des lianes, il était à l’intérieur d’elle et elle se sentait à l’intérieur de lui, dans une forêt. Il lui donnait de grands coups de langue dans le cou et elle s’était prise à lui en faire autant. Sa sueur avait un léger goût salé. Puis, progressivement, de la lenteur il était passé à un rythme plus soutenu, auquel elle répondait par à-coups. D’une main il la tenait par les cheveux, elle n’avait que peu de liberté de mouvement, les bras serrés le long du corps, mains sur ses fesses, son cou en extension hors du lit lui faisait un peu mal. Mais elle était bien et lui était en elle comme chez lui.
Il soupirait et soufflait dans son cou, elle gémissait en agitant les fesses. C’était comme un viol théâtralisé, un acte sauvage et mystique. Puis elle fut libérée de cette posture, en nage, et elle le chevaucha. Il la tenait serrée très fort contre lui, en limitant l’ampleur des mouvement et l’obligeant ainsi à donner des coups de reins courts et vifs. Elle le sentait en lui, comme quelque chose qui faisait plus que la baiser. Comme un complément d’elle qu’elle n’aurait jamais voulu voir sortir.


Il lui disait à l’oreille qu’il allait la prendre par le petit trou. Elle le savait depuis leurs tous premiers échanges, il l’avait prévenue et n’en fut donc pas surprise. Habituellement, elle se débrouillait pour éviter cette pénétration, souvent douloureuse. Et puis elle gardait une forme de réticence, liées au caractère impur de la sodomie. Elle ne la pratiquait donc que peu et quand on lui proposait et qu’elle avait le choix, elle déclinait et on n’insistait pas. Elle savait qu’elle était douée à d’autres exercices et qu’elle compenserait avec la bouche ce qu’elle refusait de son cul.
Cependant avec cet homme là il n’était pas question de dire non. Pourquoi ? Il ne l’aurait pas obligée, évidemment, mais elle savait qu’avec lui c’était tout ou rien. Il aurait été contrarié et cela aurait gâché leur aventure. Elle se dit que le moment était venu de faire le sacrifice de son orifice et, malgré tout, l’histoire n’aurait pas été complète sans cela. Il se plaça derrière elle qui s'était agenouillée, plaça sa main sur le dos pour qu’elle s’aplatisse, comme un chat. Aucun de ses gestes n’était une contrainte, à part une ou deux fois quand il l’avait saisie par le cou et avait exercé une courte strangulation ou lorsqu’il tenait ses cheveux comme on tient un cheval par la crinière. Rien de tout cela, d’ailleurs, n’était fait pour lui déplaire.
Donc, dans cette posture ramassée, elle attendait. Il toucha son orifice avec la pointe de son sexe, en lui donnant de petits coups très doux, comme lorsqu’on frappe à une porte. Elle, qui par réflexe, se contractait dans l’attente de l’inévitable brûlure, était surprise de cet attouchement léger. Il lui avait déjà enfoncé plusieurs fois les doigts dans le feu de l’action et elle se sentait prête. Il entra donc lentement et d’un seul mouvement et tout son sexe disparut comme un train dans un tunnel, sans douleur. Il resta un moment immobile, jouissant de cette cavité très ajustée et très chaude. Elle, de son côté, écoutait ses sensations, étonnée de cette visite pacifique. Elle savait que ce n’était pas de là que viendrait l’orgasme mais sa présence était plaisante et elle caressa son clitoris lentement tandis que, de son propre mouvement, elle se mit à onduler du bassin. Elle savait qu’il était bien, elle sentait son sexe planté à fond dans ses entrailles et elle sentait ses propres caresses qui commençaient à irradier son bassin de sensations électriques. Elle aurait pu jouir très vite mais préféra ralentir, au contraire, pour profiter plus longtemps de cet étrange accouplement. Il l’avait placée en face d’un grand miroir et elle pouvait voir cette grande silhouette brune s’affairant sur sa croupe. Son visage encadré de mèches avait une expression concentrée et presque douloureuse. Elle se voyait l’air éperdu, blanche et rose, ses cheveux devant les yeux et les seins qui tressautaient dans le rythme. Était elle belle ? Non, mais excitante, y compris vis à vis d'elle même, il n’était plus temps de se plaire mais de se prendre.
Il bougeait et elle se tordait comme une couleuvre, se guidant vers le plaisir, l’excitation était au paroxysme. Elle savait qu’il voulait l’entendre jouir et elle lui offrit un bel orgasme, bruyant, païen, sauvage, obscène.
Lui, n’avait toujours pas libéré son sperme et il semblait évident qu'il ne devait le faire que dans sa bouche. Il versa cette libation dionysiaque, dans ce rite remontant du fond de lui comme il remontait du fond des âges : célébration du corps de l’homme et de la femme avant l’invention du Paradis, de la faute et de tout ce fatras judéo-chrétien.


3 commentaires:

  1. un texte digne des plus belles années "Union", ca me rappelle mes plus jeunes années quand je lisais en cachette ces revues, l'effet reste le meme une alternative aux sites pornos

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  2. Plumedaigrebrun a bien aimé ton pied paquet lol

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